Avec les femmes libanaises

La Croix, 22 avril 2008



Un des souhait du Père Louis Samaha, président de Caritas Liban est la mise en place d’un cadre juridique plus protecteur et plus juste pour la femme libanaise : « Souvent victime d’une législation en sa défaveur, de discrimination au travail, de violence conjugale, bafouée dans ses droits fondamentaux et sa dignité humaine, la femme libanaise voit sa situation évoluer vers une nette amélioration, même si un long chemin reste à faire ».

La situation juridique des femmes est en effet originale au Liban: leur statut dépend des 18 communautés religieuses qui s’interposent entre l’Etat et les citoyens. Il existe ainsi presque autant de statuts personnels que de confessions et les droits des femmes sont négligés dans une société patriarcale encore traditionnelle.

Par exemple la tutelle sur les enfants appartient dans toutes les communautés au seul père. A son décès le grand père paternel devient le tuteur chez les musulmans, et en son absence les hommes de la lignée maternelle se substituent à lui. Chez les orthodoxes elle revient aussi au grand père paternel. Chez les catholiques le tuteur est désigné par le père de son vivant ; sinon ce sera, par décision judiciaire, la mère ou le grand père paternel. La domination de la lignée mâle est ainsi bien manifeste. Et en cas de divorce la garde des enfants est en priorité donnée à la mère pour les garçons jusqu’à l’âge de 7 ans et pour les filles jusqu’à celui de 9 ans ; mais chez les Chiites, c’est 2 ans et 7 ans respectivement. Pour les catholiques, le tribunal décide en fonction de l’intérêt de l’enfant.

En ce qui concerne les droits de succession, les communautés non musulmanes sont soumises à une loi civile qui reconnaît l’égalité entre tous les bénéficiaires. Il n’en va pas de même chez les musulmans, l’homme héritant du double de la part de la femme.

Par ailleurs le mariage entre un chrétien et une musulmane prive celle-ci de son droit d’hériter ; c’est aussi le cas du musulman qui épouse une chrétienne. Et le pouvoir détenu par les tribunaux religieux donne lieu à certains abus au détriment de la femme, en matière de pension alimentaire en cas de divorce ou même pour l’obtention du divorce ou de la garde des enfants, y compris dans les cas où la faute du mari est établie.

Cependant des évolutions se dessinent. Déjà l’âge du mariage révèle des forts comportements quasi européens même si quelques mariages de très jeunes filles existent encore. Et les femmes sont de plus en plus nombreuses dans le monde du travail. Si elles constituent aujourd’hui 23% de la population active, l’exploitation des femmes reste néanmoins forte dans le secteur informel donc non déclaré et non protégé : agriculture, artisanat, petite confection, travail à domicile.

Depuis 2000, seulement, la loi a interdit toute discrimination et des progrès récents sont donc intervenus : interdiction de licencier une femme enceinte, congé maternité augmenté d’une semaine mais encore bloqué à un total de 7

Par ailleurs Caritas Liban soutient deux populations en danger : elle conduit des programmes sociaux et médicaux spécifiques pour les femmes palestiniennes et est fortement engagée dans la protection des femmes étrangères, telles ces Africaines ou ces Asiatiques, employées de maison, qui fuient les abus et les maltraitances de certains employeurs.

La situation des femmes au Liban apparait donc finalement comme un peu plus positive que celles prévalant dans de nombreux pays du Moyen Orient. Mais les perspectives d’évolution législatives en faveur du droit des femmes sont bloquées par la crise institutionnelle et politique que traverse le pays.

Agir auprès des femmes c’est parier sur l’avenir : l’Eglise avec sa Caritas sont résolument du côté de l’avenir.



Denis Viénot

Ancien président de Caritas Internationalis